Témoignages : paroles de victimes

Elles ou ils ont vécu eux aussi le harcèlement

« Quand une expérience de vie traumatisante se transforme en devoir de témoigner et de s’engager. Chaque année en France, un enfant sur dix est victime de harcèlement au collège (chiffres officiels site Agir contre le harcèlement à l’École). Durant ses années de collège, Noémya a subi tout ce qui fait le quotidien des élèves harcelés : les brimades régulières, l’isolement systématique, le poids de la honte, les reproches faits à soi-même de ne pas avoir su réagir aux attaques, l’indifférence du monde enseignant, la perte progressive de confiance, la tentation de tout casser et, combien de fois ! l’envie d’en finir avec cette vie de souffrance. Mais, à côté de la rage qu’elle avait dissimulée « au fond de son cartable », Noémya cachait d’autres ressources qu’aucun harceleur n’était en mesure de détruire : son envie d’agir et son talent littéraire. »

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Noémya Grohan

Comment se reconstruire ?

1. Reprendre confiance

Ceux qui te harcèlent te renvoient une mauvaise image de toi ? Mais correspond-t-elle à la réalité ? Évidemment non ! Tu n’es pas nul, tu sais faire plein de choses et certaines, probablement beaucoup mieux que celles/ceux qui te harcèlent.

La preuve :

Fais une liste de 10 choses dans lesquelles tu est bon ou meilleur que les autres. Ce peut être un sport, une passion, une compétence, peu importe.
Le journal positif : un petit exercice très puissant qui consiste à écrire chaque jour 3 petites réussites, 3 gratitudes et 3 choses apprises durant la journée.

 

2. le problème vient de la peur des autres

Si votre enfant se fait brimer à propos de sa corpulence par exemple, faites lui comprendre que ces insultes sur son poids ne sont qu’une excuse pour s’attaquer à lui, cela aurait très bien pu être autre chose, et s’affamer à chaque repas ne va pas résoudre le problème.

Si tu es attaqué.e, harcelé.e, c’est uniquement parce que ceux qui font ça n’ont pas confiance en eux et ont besoin de rabaisser quelqu’un pour se sentir plus fort.

Apprends à répliquer au(x) harceleur(s) en le(les) questionnant :

« Ta vie est si inintéressante pour que tu t’en prennes toujours à moi ? »
« Ca t’aide à te sentir moins nul de rabaisser toujours les autres ? »
« Tu n’as pas mieux à faire ? »
« D’accord, tu me trouves gros, et après ? Oui, je suis énooorme ! »

Vous pouvez même faire une liste de phrases que votre enfant pourra utiliser si la situation se reproduit.

Harcèlement scolaire : au commencement…

le témoignage d’Abby

J’étais arrivée deux semaines après la rentrée dans un collège privé. Je rentrai alors en 4ème. J’ai très vite capté l’ambiance de ma nouvelle classe : une grande gueule (S.) qui n’avait plus l’âge d’être au collège depuis longtemps et qui dirigeait d’une main de maître les faits et gestes de ses bestaaahs, de quatre autres filles, et d’une quinzaine de garçons. J’ai toujours eu un tempérament d’insoumise (et encore plus à l’adolescence, période true-rebel oblige), et je voyais tout cela d’un mauvais œil.

Les choses éclatèrent vraiment deux semaines après ma venue : on était en cours de sport, et S. me cria d’une façon si détestable et autoritaire de ramasser son ballon situé à deux mètres de moi que je lui répondis sur le même ton, alors elle me gifla et je ripostai de plus belle avant d’atterrir dans le bureau de la CPE. Jusque là, rien de grave. Certain-e-s diront que, me défendre contre une fille prétentieuse, méchante et hargneuse qui ose donner des ordres à n’importe qui alors qu’elle n’a pas à le faire me rend coupable et responsable de ce qui m’est arrivé par la suite.

Mais même si j’avais mal agi, c’est n’est pas normal que les choses aient pris une telle ampleur.

Le lendemain et les deux ans qui suivirent

Le lendemain, quand j’arrivai au collège, certaines personnes me regardaient de travers. Les gens de ma classe évitèrent de me parler (parce qu’être contre l’autorité de S., c’était tellement MAL). Je ne comprenais pas ce qui se passait, tout d’abord. Je ne l’avais pas vu venir. C’est dur à expliquer, parce que c’était tellement insidieux au début. Ce n’était pas S. qui se vengeait elle-même de l’affront que je lui avais fait, mais c’était bel et bien de ses bestaaahs dont je recevais les représailles.

Elles retournèrent les gens contre moi les uns après les autres, inventant de fausses rumeurs qui circulèrent bien vite à mon sujet (par exemple, j’appris que je me droguais. Ah, d’accord.) ; des élèves d’autres classes venaient me trouver à la récréation et voulaient me frapper parce que je les avais soi-disant insultés (je ne les connaissais pas). On m’envoyait des projectiles en classe, et le destin a fait que la sortie du collège était remplie de gravats et de pierres : croyez-moi, ça fait plus mal que de simples bouts de papiers avec de la glu dessus. Je me retrouvais seule pour les projets de groupe, elles avaient réussi à m’isoler complètement. J’étais devenue le vilain petit canard, l’élément faible du groupe.

La CPE a caché et minimisé les faits devant mes parents. Qui au passage, ne m’ont jamais crue. Parce que selon eux, c’était de ma faute, j’avais provoqué tout ça, et c’était à moi de le régler : merci Papa, merci Maman… Je me retrouvai complètement seule. Parce que les élèves n’étaient pas les seuls à me faire des remarques désagréables et à se moquer de moi : il y avait mes professeurs aussi, qui m’ont saquée. Mon prof de sport, par exemple me donnait fréquemment des punitions à faire, alors que je n’avais rien fait, parce qu’il ne se faisait pas respecter alors bien sûr, j’étais la seule qu’il pouvait torturer sans avoir trop d’histoires. En deuxième position, ma prof de technologie m’humiliait fréquemment, elle aussi, parce qu’elle avait beaucoup de mal à tenir la classe. S’allier contre quelqu’un, ça resserre les liens, c’est bien connu. Tous mes profs, absolument tous mes profs, ont fermé les yeux. Les élèves ont fermé les yeux, sauf deux qui rapportaient ce que je subissais à la CPE, mais comme vous l’avez compris, ces plaintes restaient vaines.

3. Tu es autonome, tu n’a pas besoin des autres

As-tu vraiment besoin de ces « amis » qui le harcèlent ?

En quoi sont-ils tes amis s’ils/elles te font du mal ?

Peut-être y a t-il d’autres personnes plus intéressantes à fréquenter, mais auxquelles tu n’a pas – encore – prêté attention !

J’avais 14 ans, je venais tout juste d’arriver en Normandie pour ma dernière année au collège

Je venais de la région parisienne où j’étais une élève brillante et sans soucis. Certes très timide mais pas isolée et sans amis. J’arrivais à m’intégrer en classe comme en dehors de l’école dans des groupes.
J’étais assez intimidée car tout changeait en étant ici. Je n’avais jamais pris de bus scolaire, les classes étaient différentes, le collège bien plus petit et j’en passe. L’accueil n’était pas chaleureux mais ce n’était que la rentrée. Tout s’est plus ou moins bien passé pendant les deux premières heures où il y a eu l’appel, les présentations et le règlement. Mais à 10h, heure de la récréation, trois garçons sont venus vers moi pour me demander comment je m’appelais. J’ai répondu naturellement « Jennifer » et ils se sont mis à rire et zozoter. Pourquoi ? Je n’en savais rien car auparavant, jamais on ne m’avait fait la moindre remarque sur un éventuel cheveu sur la langue. A partir de ce moment, à chaque heure tous les jours, ils m’appelaient en zozotant, m’envoyaient des projectiles en cours, me donnaient des surnoms, m’enlevaient mes affaires en classe, me bousculaient dans les couloirs, se moquaient dès que je passais à l’oral, m’empêchaient de m’asseoir dans le bus, me traquaient même quand je me cachais à la récréation…

Les bourreaux étaient les chouchous de la classe et aussi des enseignants. Tout le monde les connaissait car ils étaient populaires aussi bien dans l’école que dans la ville pour certains, à travers leurs activités scolaires. Ayant de l’influence, ils n’ont pas eu de mal à rajouter des amis à eux dans leur groupe de harceleurs. Pourquoi me tourmentaient-ils ? Je ne sais pas vraiment. Etait-ce parce que j’étais timide et apeurée ? Etait-ce mon cheveu sur la langue ? Etait-ce parce que j’étais nouvelle ?

Dans l’indifférence du personnel enseignant

Je n’en ai parlé à personne au début. Au bout de plus de deux mois environ, ma mère a vu que j’étais mal, mon visage était bouffi, j’étais pâle, mes notes chutaient et je m’enfermais dans ma chambre. Elle a alors pris un rendez-vous et on en a parlé avec la CPE mais rien de concluant ne s’est dégagé de l’entretien. Les jours passèrent et le harcèlement devenait de plus en plus difficile au point que le matin, l’idée d’aller au collège me rendait malade et je ratais volontairement le bus pour ne pas y aller. Ma mère revenait souvent me chercher tellement j’étais mal en cours.
Au bout d’un moment, elle a clairement demandé une réunion avec l’infirmière, la CPE et la principale. Je n’avais aucun soutien du corps enseignant mais ils ont enfoncé le couteau dans la plaie lors de ce rendez-vous. La principale a clairement dit que tout cela venait de moi et que j’étais parano. J’ai fondu en larmes voyant qu’aucun adulte ne voulait m’aider. Le reste de l’année a juste été horrible…

Au lycée, où mes bourreaux m’ont suivie, tout a continué. Aucun prof ne voulait voir ce qu’il se passait et les responsables tentaient par tous les moyens d’échapper aux remarques, disant que ce n’était que des enfantillages, qu’il fallait que je me forge un caractère… Ils ont même commencé à me prendre pour une folle quand j’ai commencé à me mutiler, ne recevant que des regards plein de pitié.
Des amis ? Si seulement j’en avais eu…

L’après-lycée, une libération de courte durée

A la fin du lycée, j’ai loupé mon bac et j’ai décidé de prendre des cours par correspondance pour le repasser plus tard. A partir de ce moment-là, je me suis sentie enfin libre et débarrassée de tout ça et c’était le cas. Je ne voyais plus mes bourreaux, les profs ou les responsables qui ne m’ont pas soutenue.

En 2012, bac en poche, je suis allée à la fac pour étudier la psychologie. Même je n’y suis restée qu’une semaine. J’étais pourtant heureuse de faire des études supérieures mais un souci d’importance est apparu. Le deuxième jour, j’ai senti que j’étouffais, je n’étais pas bien, j’avais de mauvaises sensations mais j’ai réussi à me contrôler et c’est passé.
Quatrième jour, rebelote. J’ai senti que ça n’allait pas, j’avais des vertiges, j’étouffais, et sentant le malaise venir, j’ai appelé ma mère. Je n’arrivais pas bien à parler, je déraillais complètement et j’ai décidé d’aller à l’hôpital. Mes parents m’ont rejoint et m’ont emmenée aux urgences. Je tremblais, je pleurais, je me balançais sur ma chaise. Après plusieurs heures d’attente, les médecins ne m’ont donné qu’un anxiolytique pour me détendre sans comprendre ce que j’avais. Je suis donc rentrée mais à partir de ce jour, à chaque respiration je croyais que mes poumons ne fonctionnaient plus et que mon corps allait me lâcher.

Pile une semaine plus tard, j’ai dû retourner aux urgences après une violente crise. Cette fois, l’interne en psychiatrie est venu me poser plusieurs questions. Je lui ai dit que ça faisait plusieurs jours que je ne mangeais plus car j’avais peur d’étouffer mais comme je n’avais pas d’idées noires, on ne m’a pas hospitalisée et je suis rentrée chez moi. Ma mère dormait avec moi et chaque nuit, je me réveillais en hurlant. Je n’arrivais plus à respirer, j’avais l’impression que j’allais mourir. Puis je lui serrais la main au point de lui faire mal mais elle tenait le coup.

Le choc

Quelques jours plus tard, je suis allée voir mon médecin pour un check up complet. En général, tout va bien mais là, sur la balance, je découvre que j’ai perdu 20kg ! Comment ? Je ne savais même pas comment. Mon cœur allait bien, ma tension était bonne quant à ma respiration, seul un petit blocage se fait présent mais au vu de la perte de poids, c’était à prévoir. Mais que se passait-t-il ? Le médecin, qui me suit depuis 2006, n’a pas pris de gants : je subissais un choc post-traumatique du harcèlement scolaire.

Pendant des mois, je me suis hydratée en mettant goutte à goutte de l’eau sur ma langue, je ne me suis nourrie que de purée et de yaourts et j’ai peu à peu perdu la force de me tenir debout, de marcher, car je n’avais plus assez de masse musculaire. On devait me porter pour me laver, me déplacer, me coucher, me lever. Je ne pouvais pas rester seule une seconde sinon une crise se déclenchait. Sous anxiolytiques, je ne faisais quasiment que dormir et je n’ai échappé à l’hospitalisation que parce que mon médecin jugeait qu’il était préférable que je reste à la maison.

De lourdes séquelles

Aujourd’hui, j’ai un statut de personne handicapée car j’ai perdu beaucoup de force physique et que j’ai mis du temps avant de pouvoir remarcher et vaincre des phobies comme conduire (et pourtant j’aime conduire!). Mon suivi psychologique fonctionne bien. J’ai considérablement diminué ma dose de médicament ainsi qu’appris à contrôler les crises de panique mais malheureusement je ne tiens pas une journée entière active. J’ai dû arrêter mes études mais j’espère pouvoir les reprendre. Je tente de trouver un travail en attendant. Mais j’ai encore beaucoup à faire au niveau phobies et séquelles corporelles comme reprendre du muscle.

J’ai décidé de rendre mon histoire publique et de m’engager contre le harcèlement scolaire parce que ce ne sont pas des enfantillages. J’ai toujours aimé le social et aider les gens mais particulièrement voir les enfants sourire car ils sont pleins d’innocence et doivent grandir dans un milieu sain. Le harcèlement n’est pas qu’un problème d’adultes et il peut avoir un impact très important sur un enfant. Peu importe l’âge, l’enfant grandit, se cherche et se pose des questions alors si on le perturbe avec ce genre de choses et qu’on ne l’aide pas, comment peut-il se trouver un avenir ou voir que la vie n’a pas qu’un côté sombre ?

Pour que d’autres s’en sortent

J’ai 24 ans dans quelques jours, je suis totalement perdue car ils m’ont enlevé toute confiance en moi et je vais mettre encore du temps à me remettre alors je ne souhaite pas voir d’autres enfants souffrir pour des choses qu’on pourrait régler facilement si les adultes ne pensaient pas que « ça forge le caractère ». J’ai dû faire ma thérapie seule pendant un an et demi et réapprendre tous les gestes basiques de la vie. Je pourrais être égoïste et laisser les gens se débrouiller mais au contraire, j’ai envie d’aider et de voir plus de bien que de mal dans ce monde qui n’est déjà pas facile. J’ai donc lancé mon blog, où je raconte mon vécu et invite d’autres, victimes, parents, enseignants à prendre aussi la parole.

Si j’ai un conseil à donner à ceux qui souffrent : parler ! Ne vous taisez pas car plus vous subissez, plus vous allez souffrir. J’ai cru que ça allait passer, qu’ils arrêteraient et que tout irait mieux mais ça ne s’arrête pas si on ne fait rien. Malheureusement, les adultes ne sont pas toujours là pour aider mais si vous cherchez bien, il y a toujours quelqu’un à qui parler. Et si dans votre entourage vous ne trouvez personne, cherchez des associations ou des gens ayant subi ça. On pourra vous aider, vous guider pour entreprendre des démarches. Je sais que j’ai rencontré beaucoup de nouvelles associations qui aident et que moi-même via mon site j’ai aidé des jeunes qui ne savaient pas quoi faire.
Alors oui vous souffrez, vous subissez et vous pensez qu’à force vous le méritez mais c’est faux. Chaque personne a un bon fond et est unique alors réagissez et parlez, écrivez, extériorisez le tout. Quelque part, il y a toujours une main tendue.

Le blog de Jennifer

Jennifer

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