Cet article, tiré du journal « L’Audycée » n°3 – mai 2015 du Lycée Jacques Audiberti d’Antibes
http://www.lyceeaudiberti.fr/articles.php?lng=fr&pg=600&mnuid=428&tconfig=2

Noémya Grohan, auteur de l’autobiographie
De la rage dans mon cartable est intervenue au Lycée Audiberti devant 11 classes de seconde pour témoigner de son calvaire durant ses années de collège.

Lors du deuxième trimestre, Noémya Grohan, l’auteure de La rage dans mon cartable est venue témoigner de son expérience. Victime de harcèlement scolaire, elle décide de partager et de dénoncer ce sujet qui est resté tabou trop longtemps.
A quel âge avez-vous pensé écrire un livre pour témoigner ? Cela vous a-t-il aidé ?
A 22 ans, quand je suis tombée au plus bas, où j’ai vraiment eu besoin d’écrire pour évacuer. Ça m’a aidée à me libérer et à remonter la pente.
Ça n’a pas été dur au départ de tout expliquer ? De raconter votre histoire devant des élèves ?
Disons que ça s’est fait assez naturellement. J’avais à ce moment-là déjà pris quelques distances quand j’ai commencé à faire ma première intervention. En prenant un peu de recul j’ai réussi à canaliser mes émotions. Ça n’a pas été difficile de retranscrire votre histoire sans vous mélanger ?
A la base je ne l’ai pas du tout écrite pour la faire éditer, du coup pendant six mois j’ai tout retravaillé pour que ce soit cohérent.
Effectivement j’avais quelques souvenirs un peu flous mais le fait de vraiment réfléchir m’a permis de remettre les choses dans l’ordre.
C’est venu peu à peu, ça n’a pas été direct.

Que pouvez-vous nous dire sur Noélany, victime de violences répétées ?
La première fois que j’ai vu un reportage sur cette jeune fille de huit ans, c’était en 2006 et ça m’a fait remonter tous les souvenirs du collège et je me suis dit pourquoi tant de haine ? Comment ça peut aller aussi loin ? Pourquoi les directions, qui étaient au courant, n’ont pas réagi ? C’est totalement révoltant. Les gens pensent que c’est tabou alors ils n’en parlent pas. Depuis les campagnes de sensibilisation, ça bouge un peu, mais je retrouve toujours ce climat et ce silence dans les établissements.

Êtes-vous fière de témoigner ?
Disons que je suis contente de mon expérience négative car j’ai réussi à en faire une force pour maintenant sensibiliser plus de monde et accomplir une mission. En revanche, d’un point de vue
professionnel j’ai eu beaucoup d’échecs à cause de mon manque de confiance en moi, je me sentais foutue.
Je me suis perdue pendant dix ans et les trois dernières années, j’ai subi comme une transformation et j’ai peu à peu gagné de l’assurance…

Avez-vous écrit pour vous libérer ou pour tout expliquer à votre mère ?
Les deux. Sur le coup c’était vraiment pour expliquer à ma mère ce que j’ai vécu, que j’étais vraiment mal, que je ne maitrisais plus rien.
C’était comme un testament. Ça a été ma première mission. J’ai voulu l’alerter et montrer à quel point le harcèlement peut briser une vie.

Votre mère n’a-t-elle pas remarqué votre mal-être ?
Je gardais le sourire à longueur de journée, du coup elle n’a rien pu observer.
Quand elle l’a découvert, on a pu en discuter, mais cela a été un vrai choc, d’autant plus qu’elle est directrice d’une école de maternelle et qu’elle reste très attentive à ce que les élèves ne soient pas victimes de brimades. Quand elle s’est rendue compte et a su que sa propre fille avait vécu ça pendant quatre ans sans même l’avoir remarqué, ça a été un vrai coup dur.

Est-ce que actuellement vous avez encore peur de l’inconnu ?
Depuis trois ans ça va beaucoup mieux. J’ai moins d’appréhensions et beaucoup de barrières se sont débloquées. J’ai repris une assurance et me suis retrouvée d’une certaine manière car pendant des années je n’étais pas moi-même.
Maintenant je n’ai plus peur de l’avenir, ni peur de me projeter. J’ai encore un peu de chemin pour être complètement «guérie», mais je suis sur la bonne voie depuis plusieurs années.

Est-ce que certaines personnes se sont reconnues dans votre témoignage ?
En effet, par la suite j’ai reçu beaucoup de messages d’anciennes victimes qui ont vécu ça pendant leur adolescence et qui étaient heureuses de pouvoir mettre des mots sur ce qu’elles ont vécu. Le fait de se retrouver dans mon témoignage leur a permis de s’en sortir plus facilement et de leur redonner de l’espoir. J’ai même reçu un message d’un témoin de mon harcèlement, qui n’y a pas contribué. Cependant son rire face à la situation encourageait mes harceleurs. Elle a voulu s’excuser pour son manque de réaction.
J’invite tout le monde à briser le silence, dénoncer le harcèlement scolaire encore énormément présent. Que vous soyez victime ou spectateur de telles brimades, parlez-en pour éviter le pire.

Margaux Moya

Share This